Huyana Potosi
Cordillera Real, chaîne de montagnes au dessus de La Paz, nous voici localisés sur la carte. Pour les adeptes de Google, ils peuvent aller voir la pente qui nous mènera au Huyana Potosi cette nuit. 6 088m, un challenge "énormissime" pour le Vince.. Venu me rendre visite et passer ses vacances d´été entre le Pérou et la Bolivie, il s´attaquera dans les prochaines heures à un environnement nouveau. La haute montagne avec son froid, son vent, son brouillard, ses dénivelés et ses crevasses.. Tous ces facteurs naturels qui font appel à un minimum de résistance physique, d´adaptation et de force morale. Je n´oserais dire que nous nous attaquons à de la haute montagne de haut niveau mais comparée à la prairie de Loire-Atlantique on se trouvera à une altitude plus hostile!
Mes 6 mois de voyage m´ont permis d´être plus serein et d´appréhender avec un peu plus de confiance ces situations inhabituelles. Je suis content de partager cet événement avec des amis et de voir leurs réactions, leurs réflexions et leurs étonnements du premier regard.
Vincent est parti se coucher en rêvant de ce sommet mais en doutant quelque part de sa capacité.. voilà un de ces moments oú on se surprend, se surpasse et après lesquels on sort grandit.. réussite ou échec à la clé. De son coté, Jean-Philippe attend avec impatience le début du voyage à vélo, réel départ de son aventure. Je comprends et imagine que son envie de liberté doit être grande après ces 3 semaines de "vacances".
Nous formerons dans quelques heures une équipe sur une cordée, Vincent faisant parti d´un autre groupe. Cette montée est une superbe expérience pour créer davantage de lien entre nous. Chacun doit faire attention à l´autre malgré bien sûr la présence du guide. Nous allons très certainement partager les 4 prochains mois sur une selle de vélo. Plus rapide se fera notre complicité plus vite nous profiterons pleinement de notre aventure! Mais je dois avouer que tout se passe très bien et on va partager une bonne tranche de vie!
A l´heure où je vous écris ces lignes le refuge s´éteind peu à peu, je suis le dernier "européen" debout et les guides se couchent les uns après les autres. La nuit prend ses droits.. glaciales à près de 5 200 mètres. Le temps brumeux est plutôt bon signe. Les groupes se réveilleront entre minuit et 1H30. Ce sera l'effervescence, l´excitation de la première montée pour la plupart. J´espère voir le Vince en haut, ça attestera également de ma présence au top! Suerte!
Le dortoir donne une impression de tranquillité, pourtant chacun rumine dans son coin. Le sommeil est dur à trouver ou se fait léger. Je préférerais partir rapidement si on m'en donnait l´opportunité tant l'attente au fond du duvet est fatiguante psychologiquement. Les premiers se lèvent au douze coups de minuit, Vince n´est pas le plus prompt mais finit par bouger sa grande carcasse. Jean-Phi et moi avons une heure de rab pour profiter de la cohue générale et du brouhaha ambiant. Ne pouvant résister à l´envie de voir la préparation et le départ du Vince, je me lève. Peu de parole échangée entre les uns et les autres peut-être la concentration rend-elle muet notre melting pot de jeunes montagnards! Les voilà partis.. la guirlande se dandine dans le premier mur assez raide... Je viens perturber le rythme en hurlant mon encouragement au valeureux Breton.
Le refuge quasiment vide , nous prenons tranquillement notre petit-déj avec Jean-Phi. Sabino notre guide dort sur la table.. rassurant pour la suite des événements?? Crampons chaussés, piolets armés, notre cordée de 3 s´ébroue à 2H30. Rythme soutenu, je sens Jean-Phi très facile quand la fatigue se fait rapidement sentir de mon coté.. Au bout d´1H30 - 2H on rejoint le groupe du Vince pour une petite escalade de quelques mètres.
Le natif de St-Brieuc me parait déjà à bout. Je mise sur Rodolfo pour le faire avancer vers les 6 000! Petit à petit le physique s´améliore mais nous décidons tout de même de prendre la voie la plus longue censée être la plus facile. Malheureusement après quelques dizaines de mètres le mal des montagnes rattrape Jean-Phi. Nous rebroussons chemin au croisement des 2 routes, endroit plat et non dangereux. L´apprentissage de la haute montagne est apparemment douloureux pour Jean-Phi et je me remémore mon mal de tête dans la montée de l´Illiniza Sur. Il décide de rester là dans l' attente du groupe de Vince et je prends la route directe avec Sabino. Un mur de 180m de haut se dresse devant nous et nous attaquons la trace au piolet. Des formations de neige donne l' impression d' un champ miné.
Malgré ces obstacles tout se passe pour le mieux. La motivation se décuple à l' approche du sommet. Le soleil est à quelques secondes de faire son apparition. Derniers efforts, la cime se dévoile, un court instant pour se retourner et assister au levé du "drapeau" soleil. Mille couleurs apparaissent et me voilà comblé de bonheur. Instant magique. La Cordillera Real, le lac Titicaca et La Paz m'entourent et l'ombre du Huyana Potosi se reflète á l'ouest. Dame nature s'accorde un jeu de lumiere et j'en profite aux premières loges. Le sommet étant étroit, il est temps de redescendre pour laisser place aux groupes arrivants. Retour par l'autre route sur l'arête nord. J'apercois rapidement Jean-Phi proche du but. Je suis content pour lui, il a su dépasser son mal de tête et je sais que les émotions du sommet vont lui apporter davantage d'énergie, tout comme au Vince.. Bon gré mal gré le voici à quelques encablures de son rêve naissant atteindre un 6 000. Je l'encourage pour ces derniers mètres tout en sachant que la réussite est quasi assurée si proche du but! La descente se poursuit sous un soleil radieux , je profite de chaque instant en pensant à mes amis au paradis. Belle réussite pour une premiere. Le Vince a été "énormissime" comme à son habitude et Jean-Phi pose la premiere pierre de son voyage. Pour ma part le Huyana Potosi restera un moment d'osmose avec la nature. Magnifique!